De Nieuwport à Bréhat

Publié le par sparrow

Nous vous avions laissés à Nieuwport, où le mauvais temps et le remplacement de la bome nous avaient contraints à prolonger l'escale; nous voici à présent en Bretagne Nord, alors que les milles s'égrènent doucement dans le sillage...

L'accès à internet étant soit indisponible, soit fort cher, nous n'avons pas pu poster de nouvelles depuis un certain temps, et nous tenons à nous excuser auprès de nos familles, de nos amis et de tous ceux qui nous suivent pour ce contretemps qui, cela dit, risque bien de se reproduire.

Nous avons donc quitté la rade de Nieuwport le mardi 2 mai en direction de Dunkerke, où nous sommes parvenus après une longue navigation sous un vent faible et inconstant, mais avec le concours d'un grand soleil printannier. Sitôt dépassée la frontière franco-belge que la malédiction du gris s'évaporait: la mer et le ciel sont devenus bleu, pour notre plus grand bonheur.

A Dunkerke, nous avons retrouvé nos nouveaux amis Christophe et Marie-Diane, jeune couple de marins comptabilisant déjà quelques milliers de milles à leur actif, que nous avions rencontré lors d'une escapade à Veere (Veersemeer, Zelande) en janvier dernier. Nous avons soupé ensemble à leur bord (Agnan est attaché au port de Dunkerke) et ils nous ont gratifié d'une bouteille de bon champagne à sabrer au beau milieu de l'Atlantique (on s'y tiendra c'est promis!). Lors de cette belle escale, nous avons aussi fait la connaissance de Stéphane et Séverine, un autre couple de notre âge avec les mêmes aspirations de lointains ailleurs; nous leur souhaitons bon vent au passage.

Le lendemain, nous quittons Dunkerke pour Boulogne-Sur-Mer, passant le redoutable cap Gris-Nez au moteur sur une mer d'huile et en plein soleil! Nous resterons un jour de plus à Boulogne afin de visiter le merveilleux aquarium de Jean-Michel Cousteau. Nous en revenons un peu mitigés du fait de la relative petite taille des bassins par rapport aux animaux du grand large qu'on y enferme, mais tout de même admiratifs de l'efficacité du message d'alerte écologique redondant tout au long de la visite.

Ensuite, on hisse les voiles vers Dieppe, écoeurés par les effluves de poiscaille déversés sur Boulogne dès l'aube par petite brise. Après une journée de voile puis une bonne nuit de sommeil, nous larguons les amarres au petit matin pour tromper la vigilance du capitaine du port (la place de port s'élève dans ces régions à 20 euros la nuit!) et mettons le cap sur Fécamp. Nous y parvenons après avoir longuement sillonné à 2 noeuds de moyenne les blanches falaises de Normandie. Le coucher de soleil enchanteur sur la plage de galets nous récompense mille fois de notre patience!

Nous laissons Fécamp le lendemain afin de rallier Cherbourg où nous devrons préparer le passage du dangereux Raz Blanchart. Nous profitons de l'attente des bons vents à Cherbourg pour faire l'avitaillement, et nous mettons le cap sur Guernesey le mardi 9 mai. A cause du vent contraire et de l'horaire des marées, nous avons passé le Raz de nuit, voyant notre petit bateau filer sur l'eau opaque à 10 noeuds de moyenne à cause des courants, priant pour ne pas percuter un casier perdu ou une balise fantôme...

Nous rallions Guernesey à l'aube après avoir crevé nos yeux à scruter les phares d'approche dans le brouillard. Malgré tout, la splendeur du port insulaire sous le soleil embrumé du matin nous maintient en éveil, et nous partons à la conquête de l'île après avoir englouti le traditionnel english breakfast. Séduits, nous arpentons les ruelles escarpées du pittoresque village de St Peter, flanquées de jardinets débordants de végétation exotique bien ordonnée mettant en valeur les petites maisonnettes proprettes au style typiquement british. Au port, des affiches touristiques vantent la présence des fameux Macareux Moines, genre de pinguins insulaires ou de perroquets des mers au gros bec rouge vif. Après une sièste bien méritée (nous n'avions après tout dormi que 2h sur toute la nuit), nous nous lançons à leur recherche dans l'ascension des petits sentiers de terre longeant les falaises, perdus au milieu d'une débauche de jacinthes sauvages et de fleurs des champs. Par endroits, la végétation exubérante nous laisse d'époustouflants points de vue sur des baies désertes aux plages de galets bordées de pitons rocheux à pic qui plongent dans la mer d'un profond indigo. Nous redescendons à la marina à la tombée du jour, bredouilles de pinguins mais les yeux pétillants de l'éclat du soleil sur la roche ocre et les feuilles des jacinthes. La fatigue nous fauche avant le souper et nous abattons 12h d'un sommeil lourd et réparateur, constatant le lendemain que la brume opaque qui bouche l'horizon nour retiendra ici un jour de plus. Nous en profitons pour faire le tour complet de Guernesey en bus, nous arrêtant à la pointe sud-ouest pour traverser le gué qui, à marée basse et par mortes eaux, permet à l'homme de pénétrer sur le domaine des goélands. La minuscule île de Lihou se visite après avoir pataugé 10 minutes dans le goémond, les flaques et les nappes de brouillard; et les paysages sauvages de la lande anglo-normande tapie sous la brume contribuent à susciter ce sentiment de solitude et d'étrangeté.

La visibilité s'améliorant dans le courant de l'après-midi et le vent nous repoussant vers les côtes bretonnes, nous reprenons le large vers minuit pour une traversée sous le charme de la pleine lune qui nous mènera aux aurores en vue des brisants de l'île de Bréhat. Les yeux plissés de fatigue, nous nous engagons dans l'estuaire du Trieux, admirant au passage les rochers roses de Bréhat et la végétation luxuriante qui borde la rivière. Nous posons le pied sur la terre ferme à Lézardrieux après 14h de barre à tour de rôle, et tombons dans notre couchette sous les trilles des oiseaux alors qu'il fait encore jour.

A l'aube de ce samedi 13 mai, nous nous arrachons de nos couettes pour préparer la navigation vers Bréhat en engloutissant un rapide petit déjeuner. Nous empruntons l'étroit chenal qui nous mène à l'île sans encombre, et jettons l'ancre dans une crique nommée "La Chambre". Nous rejoignons la côte à la rame en annexe, et parcourons ce lopin de terre idyllique en une après-midi, sous un soleil toujours complice, nous arrêtant sur la place du village pour siroter l'apéro en compagnie des îliens, avant de regagner notre mouillage pour la nuit. Nous dégustons une salade aux alliacées sauvages, découverte culinaire de Julie, puis nous nous endormons bercés par le clapot.

Nous regagnons Lézardrieux au petit matin pour y plonger dans l'estuaire du Trieux avec l'école de plongée locale. L'eau est glacée (12 degrés!) mais les couleurs subaquatiques sont magnifiques, l'eau vert opale tirant sur le bleu azur tandis que les fonds sont tout en rouge, ocre et vert tendre. Les anfractuosités rocheuses et les herbiers de posidonies abritent de grosses araignées de mer, des tourteaux et des congres, ainsi qu'une foule de petits poissons dont les couleurs se confondent avec la roche. On nous fait part de la présence de nombreuses épaves à découvrir dans la région, mais il nous faudrait une bonne connaissance des courants et des marées locales pour s'y risquer seuls...

Pour l'heure, il est temps de plier bagage, nous reprenons notre route vers la Bretagne Sud. A bientôt et gros bisous à tout le monde, spécialement à Fabienne (maman de Sébastien) et Ghislaine (mami de Julie) dont c'était la fête ce dimanche, et à notre grand Nathan dont c'est bientôt l'anniversaire!

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