La Gonini
Ce week-end, nous prenons donc pour la première fois les commandes de notre pirogue afin de remonter le fleuve Maroni, puis un de ses affluents nommé On se voit attribuer un solide carbet (sorte de cabane en bois destinée à recevoir les gens de passage) où nous dressons notre campement, entassant les glacières et les caisses de victuailles destinées au repas commun sous nos hamacs. Alors que le soleil se laisse paresseusement glisser derrière le faîte des grands arbres, nous empoignons nos cannes à pêche et entreprenons de taquiner le piranha et l’aymara Mais déjà les brumes du matin s’estompent dans le souvenir embué de la nuit passée à discuter, et il est déjà temps de repartir à l’aventure. Après une baignade dans les bras frais du fleuve, on remet en route vers Grand Santi, s’octroyant de longues séances de dérive en travers du fleuve, pour profiter jusqu’au bout du murmure de la jungle et du chant des oiseaux.Brûlant de découvrir la beauté sauvage du fleuve, nous avons tout d’abord fait l’acquisition d’un paliboto, sorte de petite pirogue à pagaies de
pirogue d’une autre bande de jeunes du quartier : Nico (surnommé « Fayaman » càd « Homme du feu » car il s’occupe des pannes électriques), Céline (sa copine, secrétaire d’un notable du village), Nicolas et Karine (tous deux professeurs à l’école). Ceux-ci connaissent bien le fleuve, même si ses dangers imprévisibles guettent toujours le plus chevronné des piroguiers. Qu’à cela ne tienne, nous chevauchons avec bonheur les eaux boueuses, émerveillés par les contrastes des verts profonds de la forêt, tous prêts à engloutir les autoroutes d’eau rouillée qui serpentent dans cet océan de chlorophylle.
Au milieu de l’après-midi, rincés de pluie et de soleil, nous parvenons au campou de Papa Daniel. Le petit village, comptant à peine une dizaine de huttes traditionnelles en bois travaillé, nous accueille avec le sourire et l’hospitalité de ceux qui n’ont pas encore appris la méfiance à l’égard de l’étranger.
(sorte de poisson préhistorique, ressemblant comme deux gouttes d’eau au coelacanthe, son cousin des mers) dans le petit rapide qui fait face aux berges du campou. On grimpe dans les pirogues, on monte nos lignes avec des appâts de restes de poulet gâté, se laissant paisiblement bercer par le clapotis du fleuve et la douce lumière du soir qui décline toute une palette de tons ocres et roses sur le miroir de l’eau. Un violent coup de roulis tire notre somnolente équipe de pêcheurs de sa rêverie : ça mord au bout de la ligne de Sébastien ! Le bouchon s’affole à la surface, réapparaissant pour disparaître à nouveau dans quelque farouche embardée. Mon héros flaire la belle prise, ferre la créature d’un coup sec et ramène sa ligne fermement, luttant contre le monstre qui refuse obstinément de se laisser prendre. Un dernier tour de moulinet et, hop, voici que notre repas encore tout frétillant s’abat sur le fond de la pirogue. Ses mâchoires acérées claquent frénétiquement, cherchant qui dévorer, mais tout piranha qu’il est, il a trouvé plus gros prédateur que lui !
La soirée s’annonce animée autour du feu, toute la petite tribu de Papa Daniel s’est jointe à nous pour partager le repas et l’apéro. Les conversations vont bon train, on s’échange des légendes du fleuve contre des recettes culinaires, puis on s’anime autour des rythmes de la guitare qui voyage entre Nico et Sébastien. Quelle est douce la vie en pleine nature !